vendredi 7 septembre 2012

MORUELAND


“Maa chériiiiiiiiiiiiiiiiie”, c’est leur cri de guerre. Le monogramme - surtout quand il est faux- c’est leur blason. Pour exister à Morueland, il faut être vue, repérable à 10 bornes.

Dans un pays qu’on croirait fort fort lointain, vit depuis la nuit des temps une espèce en voie de prolifération: la morue. Un peu comme le grand requin blanc, elle n’a pas évolué d’un iota depuis des millénaires. Le corps fuselé pour davantage d’aérodynamisme, un regard d’oiseau de proie empreint d’antipathie, tout chez la morue est pensé pour attirer le sexe fort au premier coup d’œil.

De même que la famille de Bretagne affiche une panoplie interminable d’armoiries, la morue collectionne les swooch, les YSL et le fameux LV, pour parfaire son apparat. C’est ainsi dissimulée sous les couches clinquantes de son vestiaire brandé qu’elle déambule en public. La fameuse brandade de morue donc. OK, je sors…

Toujours à moitié dévêtue, cette espèce de cabillaud finit d’ailleurs parfois par adopter la version cutanée des signatures de ses marques favorites, en guise de body painting.

Vous ne pouvez pas la manquer ni l’ignorer d’ailleurs; quand la morue est invisible elle n’en est pas pour autant silencieuse. Elle minaude, d’une voix nasillarde, au creux de l’oreille de l’Homo Sapiens mâle et invective tout ce qui se dresse sur son passage. “Tortillades”, “trémoussades”, quand la morue part en promenade, on s’écarte sur son passage, les uns observant hagards ses déhanchés exagérés, les autres redoutant une dérobade de mari… Experte en matière de racolage massif, elle n’en sous-estime pas pour autant ses congénères, qu’elle ne peut endurer. Son credo: ratisser large du CSP, CSP+ à grand coups de filet de pêche pour trier les meilleurs morceaux, ceux qui combinent un apparent pouvoir avec un flagrant confort financier…

Morueland, c’est le quartier général où tous les individus de cette espèce pourtant solitaire se réunissent. Entre elles, pas d’amitié, que du réseau. La chasse en groupe les forcent à se côtoyer, mais la rivalité empêche toute solidarité. Morueland se situe en général dans les zones chaudes mais n’a pas d’adresse fixe; tantôt sur la piste de danse d’une boîte tendance, tantôt autour de la piscine d’un hôtel club, le grand rassemblement du poisson d’eau froide se déplace au gré de ses migrations.

Souvent qualifiée de “Grosse” ou de “Sale”, la version bas-de-gamme de ce vertébré est particulièrement écervelée. Moins nocive et surtout plus comique que ses consœurs, elle incarne le vulgaire maladroit. L’indiscrétion la pousse aux gaffes les plus folles, tentant d’exister par tous les moyens, “et pas seulement par le physiiiique hein!”.

La morue symbolise la part obscure et sombre dont chaque femme est finalement capable à force d’abus. Une fois dos au mur, ne vous déplaise, on est toutes un peu morues sur les bords…